Feardrop (Français)

by Jérome Langlais, June 2004 (France)

RAFAEL TORAL

Puisant ses influences autant dans les idées, les mots, que dans la musique elle-même, Rafael Toral eut le déclic de l’ambient music en lisant les notes de l’album Discreet music de Brian Eno, avant même de l’écouter. Cette conception d’une musique autosuffisante pouvant mériter différents niveaux d’attention, elle allait devenir celle de sa propre musique. Rafael Toral est né à Lisbonne en 1967, il commence à s’investir dans la musique en 1984, notamment au sein du collectif SPQR et dans le groupe rock tribal / dada Pop dell’Arte. En 1987, réduit à sa plus petite expression, SPQR devient Rafael Toral. Privilégiant l’exploration, le Portugais quitte rapidement les rangs académiques. En solo, il développe alors des méthodes inspirées encore une fois de Brian Eno, mais qui se muent rapidement en idiome personnel dont le concept simple est la transformation du compositeur lui-même en auditeur. Ainsi, après son premier album Sound mind sound body, Toral arrête d’écrire sa musique, pour se concentrer uniquement sur le travail du son en tant que matière. Ce faisant, il rend hommage à ses deux principales influences, deux hommes à mi-chemin entre l’académisme et une conception plus concrète du son comme entité vivante : John Cage et Alvin Lucier. Considéré comme l’un des guitaristes les plus innovants, il ne voit pourtant la guitare que comme un générateur de sons qui permet de prendre de hauts risques, un instrument au comportement imprévisible. Voyageur et collaborateur infatigable, Rafael Toral a joué avec Sei Miguel, Phill Niblock, Rhys Chatham, John Zorn, Thurston Moore, Dean Roberts, Christian Fennesz, John Tilbury, Jim O’Rourke, Hilmar Jensson… Il est aussi producteur (Pop dell’Arte, Supernova, Toast, Clockwork…). Il a également créé des installations vidéo et multimédia, a joué des pièces de Niblock, de Cage…
Perfectionniste, Rafael Toral aura mis plus de dix ans à sortir son premier disque. Ont suivi plusieurs projets live dont sa production discographique était la source (le projet Engine). Aujourd’hui décidé à donner un tournant nouveau à son travail, Rafael Toral lance un projet conceptuel : le Space program, plan d’actions ambitieux mais excitant où les pôles s’inversent : c’est la performance qui servira désormais la composition.

La tactilité de la résonance
En 1995 paraît Wave field, second album dont l’une des influences est le mythique I’m sitting in a room de Alvin Lucier, œuvre dont l’instrument principal est la résonance d’une pièce à l’intérieur de laquelle l’artiste répète à l’envi une phrase, la superposition des résonances créant le continuum. Si l’on peut penser à Tony Conrad ou Phill Niblock en écoutant sa musique, Toral réaffirme ses véritables influences « Alvin Lucier et John Cage ont eu un énorme impact sur moi. Dans mes premiers disques il y avait un mélange de beaucoup d’éléments : ambient, improvisation, minimalisme, chance… ».
Comme une transition entre des racines aux contours connus et un désir d’inexploré, Wave field est le basculement de Rafael Toral vers l’univers expérimental de la sculpture sonore : entre les souffles harmoniques, les résonances denses, gisent des silences intermédiaires. Cet album est également un hommage appuyé à un phénomène éphémère du rock, un autre mythe : My Bloody Valentine, dont Wave field reprend l’esthétisme visuel (la pochette est un hommage à celle de Loveless) et sonore (un sentiment de lévitation durant l’écoute), et dont les concerts étaient eux aussi empreints de résonance notamment sur leur fin où elle obligeait à fuir. Wave field semble être un disque joué par un groupe de rock sous perfusion niblockienne, c’est un album de l’éther. « Lorsque j’ai enregistré Wave field, j’imaginais le son que pourraient produire mille groupes de rock jouant dans un espace lointain et réverbérant. En fait, l’une de mes inspirations pour ce disque fut un concert de rock auquel j’étais allé et dont l’acoustique était si mauvaise que j’ai trouvé cela intéressant ! ».
Son évolution identitaire vers des vœux plus expérimentaux, Rafael Toral réussira à la canaliser en adaptant l’emblème du rock, la guitare, à ses nouvelles préoccupations exploratoires, même si « certaines formes de son pur sont obtenues de meilleure manière sans la guitare. » La guitare devient alors le vecteur idéal de l’instrument abstrait que Toral souhaite réellement utiliser : la résonance. Le Portugais travaille beaucoup sur la résonance, sur les spectres sonores qu’il tire des instruments, ou qu’il crée au travers du matériel qu’il utilise. L’électronique sera d’une aide précieuse. Aeriola Frequency entérine ce langage musical propre, mais Toral n’aime pas les recettes : « Ma discographie est un ensemble de travail sans véritable relation linéaire entre les éléments qui le composent. Le bond de résonance pure de Wave Field à Aeriola Frequency, n’a pas de lien nécessaire avec la série de petites pièces qui commence dans Early Works, se poursuit dans Sound mind sound body, et se termine avec Violence of discovery and calm of acceptance… je vois ma discographie comme un arbre, avec un tronc représentant les travaux principaux (SMSB, Wave Field, VDCA et mon nouveau programme Space) et des branches diverses (les enregistrements live, les projets spéciaux, etc.). Electric Babyland, Aeriola Frequency et les Harmonic Series sont des branches ». Cette ramification a pour conséquence paradoxale une étonnante unité dans la musique de Rafael Toral, dans le sens où elle est impossible à dater. Les pièces qui composent Early Works, un album regroupant les premiers travaux solo de Rafael Toral de 1987 à 1990, sonnent comme si elles avaient été créées très récemment, elles paraissent très contemporaines par exemple de Violence of discovery and calm of acceptance. « Très souvent il arrive que je ne publie un disque qu’un an après sa conclusion, après l’avoir réécouté de nombreuses fois afin de ressentir la façon dont il commence à ‘’vieillir’’. J’aime que mes travaux survivent au temps, il est intéressant d’observer leur relation au temps qui passe ». L’unité de l’œuvre de Toral tient aussi dans un concept d’exploration de l’ambient music, dans un processus que l’artiste souhaite désormais établir à l’avance, ce qui n’était pas le cas au cours de ses deux premières décennies d’intervention : « J’enregistrais des travaux expérimentaux et je produisais des groupes de rock pendant que je réalisais Violence of Discovery…. Aujourd’hui j’ai conclu vingt ans de travail de cette manière. A présent, j’explore une nouvelle période, un nouveau territoire, et les séquences de travail sont programmées. Dans ce Space program, je développe d’abord une série de pièces live, d’approches d’instruments, dans des concerts solo ou avec Sei Miguel. Ce sont les Space Studies. Les enregistrements ainsi obtenus construiront lentement un projet ambitieux nommé Space. Après la réalisation de Space, une série de parutions plus simples, les Space Elements, verra le jour. En parallèle, je tâcherai de m’investir plus profondément dans les collaborations. Ce programme devrait me prendre huit ans au moins ». Une étonnante obsession qui révèle le caractère perfectionniste de Rafael Toral. « Je crois qu’un travail doit être publié seulement si c’est vraiment nécessaire. Je travaille ma musique très lentement ». La plupart des disques de Toral sont en effet créés sur une échelle de temps très longue, qui dépend du délai de satisfaction du musicien à l’égard de son travail. « Après qu’une pièce a adopté sa forme et semble finie, il y a toujours des détails à améliorer. Graduellement, je change, corrige, adapte chacun d’entre eux, jusqu’à ce que ce soit parfait. Je sais toujours quand m’arrêter, l’achèvement d’un morceau est toujours clair dans ma tête, chaque amélioration a une fin. »

L’émotion et la chaleur
Un autre point fort de tous les travaux de Toral est la forme de chaleur dégagée de chaque réalisation, même des plus minimalistes et des plus acides. La musique de Toral est une entité
sensuelle, où la résonance de la guitare donne parfois l’impression de se transformer en violoncelle, où le drone tiédit l’air qui le transmet, où les boîtes à musique entretiennent la flamme. Cette chaleur donne un caractère organique et humain à sa musique, une propriété rare pour une musique presque isolationniste. « Je crois que le temps peut influencer la “température” générale du travail d’un artiste. Certains musiciens que j’apprécie, de l’Islande à la Finlande, ont un son à prédominance ‘’froide’’. Humainement, je le prends comme un compliment. Cela se produit à un niveau très intuitif et irrationnel, que je ne comprends même pas ; je pense que ce doit être en rapport avec l’amour ». Cet extérieur humain se traduit également par différentes intensités dans la musique de Rafael Toral, le drone étant le moyen pour lui d’associer une forme de dureté à une forme de calme, comme dans les épaisses variations qui constituent Wave field. D’ailleurs, l’un de ses albums, qui fait miroiter le drone comme le mouvement des flots fait iriser les eaux des rivières, s’intitule Violence of discovery and calm of acceptance. On peut alors s’interroger sur la recherche de Rafael Toral d’une confrontation entre ces deux opposés « Je ne la recherche pas, elle vient naturellement. Comme dans la vie. J’aime préserver un équilibre naturel en musique. La musique ambiante ne doit pas être toujours calme et douce, sous peine d’ennui rapide. Je n’aime pas les choses belles uniquement pour leur apparence. Un arbre peut être beau, mais sa beauté vient en dernier après chaque autre chose qu’il représente ».
Le calme et la violence, c’est aussi l’émotion, mais Rafael se refuse à l’insuffler à sa musique : « J’aime que l’auditeur puisse projeter ses émotions dans la musique. Mais je ne peux pas y mettre mes propres émotions, cela deviendrait insignifiant. » Ce détachement apparent interroge sur le sens que souhaite donner Rafael Toral à son entreprise artistique : « Je cherche à fournir des objets de référence. Cette part de ma musique dans laquelle les gens vont s’investir est d’une importance vitale. Mes propres émotions sont hors de propos ».

L’acoustique et la physique
Parallèlement à sa fixation sur la résonance, Rafael Toral refuse d’appréhender la musique et le son de façon académique. A la musique comme discipline à apprendre, il préfère la musique comme acte de découverte et de curiosité. C’est donc le son qui le préoccupe en premier lieu, et l’importance de l’acoustique, de la fréquence, de la vibration, d’un rapport physique au son en tant qu’entité occupant un espace. Cette notion intangible : le son, qui fait pourtant le lien indispensable entre le geste de l’artiste et l’habitacle organique de l’auditeur. Un rapport physique qui se voit exalté par l’un des nouveaux projets de Rafael Toral dans le cadre de son Space program : « J’aime valoriser l’aspect visuel, cela m’a amené à travailler ces dernières années avec un theremin modulaire et plus récemment à développer des contrôleurs de gants. Pour cela j’utilise l’ordinateur comme instrument de performance (…) J’aime modifier les appareils électroniques, et je développe de plus en plus de boîtes et de contrôleurs, comme l’interface des gants avec l’ordinateur. C’est fascinant de pouvoir construire les mécanismes et les outils dont on a vraiment besoin. A un moment donné, je n’ai plus trouvé dans les magasins le matériel dont j’avais besoin, j’ai donc décidé de le créer moi-même ».
Fabriquer ses propres outils, ses propres instruments, comme les boîtes à musique, contribue à la recherche de musicalité dans les objets : « Cette recherche donne déjà le sens de la musique à ces objets. C’est la différence avec la musique concrète qui, elle, déclare la musicalité des sons ‘’concrets’’ ou des sons trouvés, dans l’état où ils sont enregistrés. La musique concrète dit « ceci est le son d’un train, et c’est de la musique parce que je le dis ». C’est très bien, mais cela ne m’intéresse pas. Je préfère écouter le train passer, et éventuellement je pourrais trouver cela musical ou pas… ». Se focaliser sur le son lui-même donc, dans la recherche d’une excellence, une démarche qui revoit la notion de musicalité, et que les compositeurs de musique concrète entreprennent également. Mais pour Rafael Toral le lien s’arrête là : « La musique concrète ne m’intéresse pas, contrairement aux environnements. J’aime créer des environnements ou recevoir les sons environnementaux. Je pense que l’activité musicale est plus profonde si elle est basée sur l’idée d’instruments, d’objets utilisés pour produire du son dans un but musical. Les sons trouvés sont un concept intéressant de source musicale, mais une pratique musicale basée sur leur utilisation est une sorte d’éloignement de l’action musicale. Avant tout, les sons trouvés sont mieux écoutés ‘’musicalement’’ dans leur propre environnement ».

S’ouvrir, jouer.
Rafael Toral est un passeur : celui qui, tout en créant une musique accessible, transporte son auditoire vers des contrées méconnues, utilise la première écoute pour en permettre une seconde, plus approfondie, plus curieuse.
Toral est aussi un artiste multidisciplinaire, qui travaille notamment la vidéo, dans une conception non narrative lorsqu’il s’agit d’accompagner sa musique ou vice versa. Créer des associations inédites, à l’instar de Phill Niblock avec The movement of people working. « La seule chose en commun entre ma musique et mes vidéos est la forme de structure. Statique, sans début, ni fin. »
Sur le plan musical, cette faculté naturelle à lier des mondes a priori trop différents, tient aux ouvertures des influences, évocations ou rencontres de Toral : Sonic Youth, Alvin Lucier, Eno, Satie, My Bloody Valentine… c’est ainsi qu’un jour la revue Blow Up a qualifié son travail de ‘’musique relativiste’’. Cette ouverture tient, parmi d’autres raisons, à une volonté ludique de penser les musiques exigeantes, un témoignage de la possibilité d’ouverture des musiques expérimentales à des formes plus populaires, dont le récent Lullabies / Electric Babyland est la meilleure illustration. Sur ce disque en partie construit de pièces jouées sur des boîtes à musique conçues par le musicien lui-même, la mélodie sert l’abstraction, la mélancolie doublée d’amusement est palpable. « Il y a un aspect ludique dans ma façon de créer ma musique, en cela Lullabies / EB est probablement ma réalisation la plus conventionnelle (…) J’aime garder un certain sens de l’humour dans mon travail. Je crois que l’humour est une force, sans humour c’est la mort. Cela n’a rien à voir avec la farce, je déteste la musique festive. L’humour, c’est la subtilité. Parfois c’est dans un titre de morceau. Parfois c’est dans un sourire après un concert. D’autres fois c’est dans la musique elle-même. Je préfère ne pas penser que l’expérimental et le populaire sont deux réalités opposées, mais plutôt qu’ils forment un tout. L’essence des choses ne réside pas dans leur éventuelle séparation. »
L’ouverture, c’est aussi la capacité à s’intégrer dans des projets aux origines diverses mais toujours en recherche d’aventure. Ainsi on notera l’apparition de Rafael dans l’un des albums les plus audacieux que le groupe Sonic Youth ait sorti depuis longtemps sur sa major alimentaire : NYCity ghosts and flowers. Un juste renvoi de la part du Lisbonnais, puisque son album Chasing sonic booms était sorti sur le label de Thurston Moore. Un clin d’œil également à un autre musicien perfectionniste, minimaliste, propulsé dans des directions musicales diverses, désireux d’humour, qui a réédité Sound mind sound body et Wave Field, et qui intégrait alors définitivement le mythique groupe new-yorkais : Jim O’Rourke. Rafael a aussi officié de 1986 à 1992 au sein du groupe Pop dell’Arte, qui jouait un rock expérimental mêlé de rythmes tribaux, de sons décharnés des 80’s et de poésie dada. Un groupe que Rafael quitte en 1992, « l’année où j’ai visité New York pour la première fois, et l’année de la mort de John Cage ».
Le lien avec les autres est souvent possible au cours d’improvisations. L’improvisation est une forme qui occupe une place singulière chez Rafael Toral. « Elle est pour moi le défi ultime, la chose la plus difficile. Dans mon travail elle n’occupe pas un rôle central, puisque ma musique est surtout basée sur le son. Mais l’improvisation a toujours été importante pour moi. D’ailleurs je n’aime pas ce mot. Je suis plutôt dans un processus de développement et d’apprentissage d’outils qui me permettent de prendre des décisions de composition en temps réel, grâce à une sorte de langage structuré, qui est plus discipliné et cultivé que l’improvisation. J’ai appris cela grâce à Sei Miguel. La véritable improvisation, c’est quand l’art et la vie fusionnent pendant un instant ». Un instant qui est souvent celui du live qui apporte une intensité, plus rare en studio : « Le live contient une certaine magie, dans la notion de partage et de performance en face d’un public. Je pense que c’est la raison de vivre d’un musicien. Je ne connais aucun musicien qui supporterait l’idée de ne plus jouer live. ».

Toral s’est aussi impliqué au sein de collectifs plus ou moins rares. Ainsi de No Noise Reduction ou de MIMEO. « No Noise Reduction est un projet avec mon ami João Paulo Feliciano depuis 1990, dédié à l’exploration de pratiques expérimentales radicales. Nos premières rencontres ont été riches, avec un échange intense de vues et d’expérimentations. ». Les collaborations sont souvent suscitées par : « l’intérêt mutuel, une vision complémentaire de la poésie dans la façon d’assembler. L’amitié. La tension… ». La collaboration, c’est aussi un juste équilibre avec le travail en solo, et devant le caractère perfectionniste de Rafael Toral on peut s’étonner de son implication dans des collectifs : « C’est comme dans la vie, parfois on a besoin d’espace pour soi et parfois on recherche la compagnie des autres. Ma priorité c’est le travail solo, mais la collaboration est très enrichissante. La différence principale est que, dans la collaboration, le résultat musical est un processus imprévisible qui dépend de plusieurs individus, alors qu’en solo je peux contrôler chaque détail ».
La collaboration, c’est aussi le choix des rares labels (Tomlab, Touch, Ecstatic Peace !…) qui tient également de la volonté de Toral de tout contrôler : « J’apprécie chez les responsables du label Touch leur attachement à tous les niveaux de qualité de leurs réalisations. Ils sont engagés dans une démarche d’excellence. Je suis fier de travailler avec de tels labels ».

Le minimalisme en bandoulière
Il y a dans l’art de Rafael Toral tous les ingrédients du minimalisme : sources choisies et peu nombreuses, utilisation fréquente du silence en contrepoint, spectres, vibrations, drones. Même les mélodies tiennent à quelques notes. S’il a un jour décrit sa propre musique comme une rivière, dont le courant varie sans cesse mais qui garde toujours la même forme, c’est aujourd’hui sur le silence que Toral se concentre. A l’instar de peintres comme Rothko qui, après des années d’œuvre expansive, se sont investis dans une période abstraite, Rafael Toral débute avec le Space program un projet ambitieux où John Cage apparaît en filigrane : « Désormais la base de mon travail sera le silence et son articulation avec le son. La performance est le premier élément de composition, et non le son lui-même, comme précédemment. Ma stratégie de composition cessera d’être soustractive (enlever de la matière à des couches de drones), pour devenir additive (des événements sonores complémentaires avec le silence comme point de départ et d’arrivée). Le silence ici est considéré comme une matière musicale, il est joué comme s’il était du son. »
Ce Space Program est donc un virage total pour Rafael Toral, dont la plus simple illustration peut trouver racine dans les principes du jazz, sans s’inspirer de sa forme : « C’est le jazz qui peut donner le plus d’informations sur ma façon d’articuler les sons dans mes performances. Je ne vais bien sûr pas jouer du jazz, mais je vais en appliquer les principes, pour ainsi dire. Tout comme, jusqu’à présent, j’avais une connexion avec le rock et l’ambient ».
Les premiers éléments du Space program arrivent bientôt : « Je travaille actuellement sur Space Element 1b, un nouveau logiciel / synthétiseur pour les gants. Je prépare aussi Space Study 1 pour le live solo. A moyen terme je souhaite débuter les enregistrements pour le CD Space. D’autres projets proches concernent une nouvelle participation à un quartet de Sei Miguel. » En attendant, peut-être, un jour, la venue d’un DVD regroupant ses installations vidéo, ou l’avènement de son projet Bridge Music, basé sur l’enregistrement des fréquences résonantes trouvées sur les structures de ponts…

Jérôme Langlais

Propos recueillis par courrier électronique en mai 2004.